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Clothilde MOREAU



Clothilde MOREAU
(2020) - Compréhension de la singularité psychique des sujets adultes à Haut Potentiel Intellectuel face aux conduites addictives et nouvelles pistes de prise en charge. Thèse sous la direction de S. Barrault. (Financement doctoral IRESP).

 

Résumé de la thèse

Différentes recherches ayant investigué l'influence du Quotient Intellectuel (QI), en tant que mesure de l’intelligence, et la consommation de substances psychoactives mettent en évidence un lien positif entre ces variables (e.g., White & Batty, 2011). Cependant, d’autres études soulignent un lien négatif ou neutre s’agissant de la relation entre le QI et les conduites addictives (e.g. Fergusson et al., 2005). Dans la lignée de ces derniers résultats, le Haut Potentiel Intellectuel (HPI) (entendu ici comme un QI supérieur ou égal à 130) semble généralement être un facteur protecteur ou neutre face aux psychopathologies, comme le montrent certaines études ou méta-analyses chez les enfants et adolescents (e.g., Martin et al., 2010 ; Gauvrit, 2014 ; Alexopoulou et al., 2020). Néanmoins, le HPI a beaucoup moins été étudié dans la population adulte et très peu directement investigué dans le cadre des conduites addictives. La littérature existante générale chez les adultes avec HPI fait état de certaines tendances qui pourraient constituer des points de vulnérabilité spécifiques à l’entrée ou au maintien des conduites addictives chez les sujets présentant des vulnérabilités bio-psycho-sociales préexistantes. A titre d’exemple, il a été mis en évidence des scores plus élevés au trait d’ouverture à l’expérience (e.g., Ogurlu & Özbey, 2021), une crainte du jugement d’autrui supérieure (Boisselier & Soubelet, 2021), ou encore des stéréotypes ambivalents sur le HPI façonnant la perception de soi et de la réalité (e.g., Baudson, 2016). Par ailleurs, les conduites addictives ont été théorisées par certains auteurs comme une forme d’apprentissage à la perte de contrôle face à une substance ou à une activité en s’appuyant sur les modèles d’apprentissage par le renforcement (e.g., Pérales et al., 2020). De leur côté, les personnes avec HPI possèdent des capacités d’apprentissage considérablement plus élevées que la moyenne (e.g., Rozencwajg, 2009 ; Calero, 2011). Certaines personnes avec HPI pourraient ainsi être enclines à présenter plus rapidement des conduites addictives ou à maintenir ces conduites via un renforcement dysfonctionnel davantage prononcé ; A l’inverse, des facilités d’apprentissage pourraient représenter une ressource face au risque de développer une addiction, ainsi que dans sa prise en charge. Cependant, aucune étude, à notre connaissance, ne s’est intéressée à l’interaction direct du HPI avec les addictions chez l’adulte. De plus, certaines variables reconnues comme étant liées aux addictions de manière générale, telles que l’impulsivité (Berg et al., 2015) ou une faible estime de soi (e.g., Uba et al., 2013), n’ont pas, sinon très peu, été investiguées chez les adultes avec HPI.

L’objectif de ce travail de recherche est ainsi d’effectuer une étude exploratoire pour (1) améliorer la compréhension des sujets adultes avec HPI, avec et sans addiction(s) en apportant des données quantitatives et qualitatives sur leur fonctionnement psychique ; (2) interroger la possibilité d’un rôle modérateur du HPI dans les conduites addictives ; (3) permettre une mise en place d’actions de réduction des risques et des dommages adaptées à cette population en prenant en compte les facteurs de protection et de vulnérabilité qui seront mis en évidence par les résultats de l’étude. Toute forme d’addiction est prise en considération pour rester aligné à un objectif exploratoire, c’est-à-dire autant les addictions aux substances que les addictions comportementales.

Mots-clés : Addiction ; Haut Potentiel Intellectuel ; Ressources ; Vulnérabilité ; Prise en charge ; Prévention

Summary

Some studies that have investigated the influence of Intelligence Quotient (IQ), as a measure of intelligence, and substance use show a positive relationship between these variables (e.g., White & Batty, 2011). However, other studies interestingly highlight a negative or neutral relationship between IQ and addictive behaviors (e.g., Fergusson et al., 2005). In line with the latter results, giftedness (understood here as an IQ greater than or equal to 130) generally seems to be a protective or neutral factor with respect to psychopathologies, as shown by certain studies or meta-analyses in children and adolescents (e.g., Martin et al., 2010; Gauvrit, 2014; Alexopoulou et al., 2020). Nevertheless, giftedness has been much less studied in the adult population and almost never directly investigated in the context of addictive behaviors. The existing general literature in adults with giftedness reports some trends that may constitute specific points of vulnerability for the entry or maintenance of addictive behaviors in subjects with pre-existing bio-psycho-social vulnerabilities. For instance, higher scores on the trait of openness to experience (e.g., Ogurlu & Özbey, 2021), higher fear of others' judgment (Boisselier & Soubelet, 2021), or ambivalent stereotypes about giftedness shaping the perception of self and reality (e.g., Baudson, 2016) have been highlighted. Moreover, some authors have theorized addictive behaviors as a learning to lose control over a substance or activity based on reinforcement learning models (e.g., Pérales et al., 2020). In turn, people with giftedness have significantly higher than average learning abilities (e.g., Rozencwajg, 2009; Calero, 2011). Some people with giftedness could thus be inclined to present addictive behaviors more quickly or to maintain these behaviors via a more pronounced dysfunctional reinforcement; Conversely, learning facilities could represent a resource when facing the risk of developing an addiction, as well as in its therapeutic treatment. However, no study, to our knowledge, has looked at the direct interaction of giftedness with addictions in adults. Moreover, some variables known to be related to addictions, such as impulsivity (Berg et al., 2015) or low self-esteem (e.g., Uba et al., 2013), have not been investigated, if at all, in adults with giftedness.

The objective of this research work is thus to carry out an exploratory study to (1) improve the understanding of adult with giftedness, with and without addiction(s) by providing quantitative and qualitative data on their psychological functioning; (2) investigate the possibility of a moderating role of giftedness in addictive behaviors; (3) allow for the implementation of risk and harm reduction actions adapted to this population by taking into account the protective and vulnerability factors that will be highlighted by the results of the study. All forms of addiction are taken into consideration in order to stay in line with an exploratory objective, i.e. both substance and behavioral addictions.

Keywords : Addiction, Intellectual giftedness, Ressources, Vulnerability, Care, Prevention.